mercredi 2 novembre 2016
La dynamique de départ : une initiative de l’OPAC 38
En 1980, l’architecte belge Jean Dethier prépare l’exposition "Des architectures de terre, ou l’avenir d’une tradition millénaire" au Centre Pompidou à Paris. Celle-ci connaît un énorme succès auprès des visiteurs, même si certains restent sceptiques.
L’architecte décide alors de compléter l’exposition par une démonstration en grandeur nature.
Il choisit pour ce projet pilote un site en région Rhône-Alpes qui possède un patrimoine en terre parmi les plus abondants d’Europe. L’architecte entraîne dans l’aventure l’association CRAterre, le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) de Grenoble, l’École nationale des travaux publics d’État (ENTPE) de Lyon et Socotec, qui apporteront leur expertise technique. Le directeur de l’OPAC 38, convaincu de la qualité du matériau, engage l’Office dans l’opération.
Le projet de construction de logements sociaux en terre : "Village Terre" a été lancé en 1981, sous l’égide du Plan-Construction, par l’OPAC de l’Isère (maîtrise d’ouvrage) et l’Établissement Public de l’Isle d’Abeau (EPIDA). L’opération s’est terminée en 1985.
L’objectif du projet était de construire un "village exposition" montrant les diverses techniques de construction en terre et leurs expressions architecturales afin de relancer une filière constructive à l’abandon. L’enjeu était de former des architectes et des artisans qui devaient contribuer à diffuser très largement le matériau pour recréer une filière disparue. L’OPAC 38 s’est lancé dans ce projet avec une volonté claire de
participer au développement économique local en développant des filières innovantes.
Le positionnement du projet était éminemment environnemental avec un éco-matériau local travaillé grâce à des techniques respectueuses de l’environnement (pisé, terre stabilisée, comprimée, armée, …).
La dimension sociale du projet était également capitale : le quartier ne devait pas seulement être innovant, il devait également être fonctionnel et adapté aux besoins des résidents.
Le projet de l’organisme HLM
Le projet est situé sur un territoire d’innovation : la Ville Nouvelle de l’Isle d’Abeau à une trentaine de kilomètres de Lyon, sur la ZAC des Fougères, à l’ouest du centre de Villefontaine.
Pour construire ce "village", 3 modes de construction ont été utilisées : pisé, parpaings de terre crue (blocs de terre comprimée) et terre-paille sur ossature bois (sur un seul îlot). La terre, ressource abondante dans le Dauphiné, a été extraite localement à quelques centaines de mètres du chantier ce qui a permis un transport très court et donc un impact sur l’environnement dû au transport minimal.
L’OPAC 38 a lancé un concours national pour sélectionner la maîtrise d’œuvre. Les trois hectares du site ont été répartis en onze lots que se sont partagés les dix équipes d’architectes sélectionnées. Celles-ci étaient novices dans la maîtrise des constructions en terre et les acteurs qui les ont accompagnées, pas moins de soixante-douze entreprises et bureaux d’études, l’étaient également. La dimension "recherche" du projet a donc été très importante. L’organisation CRAterre a rédigé des recommandations et apporté une assistance technique aux équipes.
Ce projet a permis de réaliser 65 logements locatifs sociaux, essentiellement individuels, répartis en 12 petites opérations (de 4 à 10 logements) conçues par des architectes différents. Les coûts des logements se situaient en fonction des projets à +10/-10% des prix de référence de l’époque pour des logements construits de façon "conventionnelle".
Commentaire
Utiliser un éco-matériau extrait à quelques centaines de mètres du chantier est favorable pour la biodiversité puisque la pollution liée au transport est évitée et que les techniques de transformation du matériau ne sont pas non plus polluantes. Ce type de projet est donc favorable à la "biodiversité grise", c’est à dire celle qui souffre normalement d’impact indirect dans les projets.
A l’époque où a été menée cette opération, l’intégration de la biodiversité dans les quartiers n’était pas une priorité et par conséquent aucun nichoir ni hôtel à insecte n’ont été prévu. Pourtant, d’après l’association CRAterre, les oiseaux, mammifères et insectes ne représentent pas un danger pour les constructions en terre.
Source : LPO 2015, Intégration de la biodiversité dans la ville par les acteurs du logement social, un facteur de mieux vivre, pages 56-57
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