Les insectes sont les animaux les plus nombreux de la planète. 3 animaux sur 4 sont des insectes. Tous ces chiffres augmentent chaque année car les scientifiques découvrent encore et encore de nouvelles espèces.
En France, les insectes sont les animaux les plus nombreux ! Les scientifiques en dénombrent pas moins de 35 200 espèces dans notre pays ! Le monde des insectes est si vaste qu’aucun scientifique ne peut les connaître tous. Ils sont pourtant indispensables à l’équilibre des écosystèmes, mais mal connus du public et souvent l’objet de peurs entraînant leur destruction.
Les insectes pollinisateurs jouent un rôle primordial à l’échelle mondiale car ils sont directement responsables de la reproduction de près de 80 % des espèces de plantes.
Si l’on entend beaucoup parler de l’Abeille domestique, des menaces qui pèsent sur l’espèce, et des risques liés à sa régression, l’on entend beaucoup plus faiblement la voix des quelques 1000 autres espèces d’abeilles sauvages de France, alors que, elles aussi jouent un rôle prépondérant pour toute la biodiversité.
Cet article sera découpé en 2 épisodes. Le premier, présenté ici, brosse un portrait trop rapide (mais ce serait tellement long) de la communauté des abeilles sauvages, et quelques points saillants de leur rôle dans les éco et agro-systèmes. Le second fera le point sur la situation de ces espèces, et vous proposera une batterie de gestes simples pour agir en leur faveur.
À l’écoute de ce simple mot, “abeille”, chacun entend, ruches, miel, reine, ouvrière, etc… Seulement voilà, l’Abeille domestique (Apis mellifera) n’est qu’une espèce parmi le petit millier qui vit en France. Si cet animal bénéficie d’une grande notoriété, ses cousines sont peu connues, bien souvent ignorées, et pourtant tellement nécessaire et en grand danger.
L’objet de cet article n’est pas de présenter une fois de plus, les tenant et aboutissant de l’apiculture, mais de proposer un éclairage sur le monde si complexe et passionnant des abeilles sauvages.
Les abeilles se répartissent en 6 familles : Colletidae, Andrenidae, Halictidae, Melittidae, Megachilidae, Apidae.
Cette classification repose sur des caractères morphologiques, comme la longueur de la langue, la disposition des nervures alaires, la forme des structures de récolte et de transport du pollen. Pour autant, l’identification précise d’une espèce, impose un examen plus que minutieux, et souvent la nécessité de faire appel à des spécialistes de chaque familles voire genres d’abeilles. A l’exception des bourdons, les plus proches cousins de l’Abeille domestique, et quelques autres espèces de la famille des Halictidae toutes sont solitaires ou pré-sociales, c’est-à-dire qu’il peut exister une femelle dominante mais pas plus. Beaucoup établissent leurs nids dans le sol (espèces terricoles voire certaines espèces strictement sabulicoles), d’autres dans le bois (espèces xylocoles), les tiges (espèces rubicoles) ou dans diverses cavités naturelles ou artificielles.
Il serait ici bien fastidieux de décrire ne serait-ce que chaque genre. Nous proposons simplement quelques coups de projecteurs sur quelques traits marquant au travers de quelques taxons. Ces six familles peuvent être présentées comme suit :
Les abeilles à langue courte : Colletidae, Andrenidae, Halictidae, Melittidae.
Ce premier groupe rassemble plus de 450 espèces en France et l’on rencontre notamment des espèces spécialistes d’une seule plante, c’est le cas de Melitta nigricans qui ne visite que les salicaires tandis que Macropis europaea butine exclusivement des lysimaques. Parmi les Colletes, une espèce récemment découverte ne se rencontre qu’à l’automne, même tardivement, exclusivement sur les fleurs de lierre, d’où son nom : l’Abeille du lierre Colletes hederae.
L’on ne peut pas passer sous silence les Andrènes, très nombreuses, on les rencontre partout. Tandis que certaines espèces butinent des fleurs diverses et variées, d’autres au contraire sont spécialistes des chatons de saule au printemps, ou de la Bryone en été, de la callune à l’automne.
Les abeilles à langue longue : Megachilidae, Apidae.
Ce groupe rassemble des espèces qui sont souvent de grande taille (>10mm). Les Megachilidae regroupent des genres (Osmie, Anthidie, Chélostome, Mégachile) qui possèdent une brosse de récolte, composée de poils plus longs, sous l’abdomen. Certaines construisent leur nid, en découpant des morceaux de feuilles puis les enroulent comme un cigare (genres Trachusa , Osmia ou encore Hoplitis). Les anthidies dont l’abdomen est jaune et noir quant à eux possèdent de fortes mandibules, qui sont utilisées au repos pour s’accrocher à la végétation et qui servent notamment à récolter la fine pilosité des plantes pour confectionner leurs cellules. On les appelle “abeilles cotonnières” mais certaines exploitent la résine de pin et le mode de nidification de plusieurs espèces reste largement méconnu. Cette famille rassemble aussi les fameuses osmies qui, nidifient dans toutes sortes de trous qu’elles maçonnent pour protéger leurs larves. Elles sont aussi coutumières des hôtels à insectes, à l’instar de l’Osmie cornue et l’0smie rousse.
Les apidae regroupent quant à eux l’abeille mélifère, les bourdons, les Eucères les Xylocopes,... Ces dernières, aussi appelées abeilles charpentières l’hôtel à insectes n’est qu’un habitat de substitution. Elles lui préfèrent les veilles charpentes, buches ou branches mortes tomber ou encore sur pied, n’hésitant pas à perforer du bois mort. Elles sont parfois bien aidées par les cavités pré-existantes de la guilde des coléoptères saproxyliques, dont le Grand Capricorne est un illustre représentant.
Ce sont les plus grosses abeilles de France, souvent noir de jais, à reflets métalliques violacés, elles ne sont pas moins de 4 espèces en France et peuvent être facilement confondues.
On trouve aussi, chez les apidae, les bourdons qui, malgré des couleurs qui semblent typiques à chaque espèce, présentent des difficultés d’identification majeures ; il en existe près de 58 espèces en France, et une quarantaine juste pour Aquitaine, dont les plaines hébergent un cortège d’environ 10 – 15 espèces, et la montagne, beaucoup plus.
Signalons qu’outre l’Abeille mellifère, c’est dans les deux groupes précédent que nous sommes parvenus à domestiquer d’autres espèces : un bourdon (Bombus terrestris), et une mégachile (Megachila rotundata) et qu’aujourd’hui des élevages d’osmies (cornue et rousse) fleurissent aussi, notamment pour la pollinisation des arbres fruitiers.
Concluons enfin avec les eucères, grosses abeilles très spécialisées, souvent friandes des fleurs de Fabacées (mais certaines affectionnent les dipsacacées, d’autres les Astéracées (Centaurea p. ex.). Les mâles portent une paire d’antennes dont la longueur dépasse parfois celle de leur corps.
En Europe, la pollinisation des plantes à fleurs, c’est-à-dire le transport du pollen d’une fleur à l’autre, est principalement réalisée par une pollinisation croisée (peu d’espèces sont dites autogames ou auto-compatibles) : le pollen des anthères tombe sur le stigmate via le vent (anémo-gamie - philie) et par les insectes (entomo-gamie - philie). Plusieurs groupes taxonomiques interviennent dans ce processus, mais la morphologie des abeilles (présence de poils sur le corps et pattes courtes), leur régime alimentaire (consommation de nectar par les imagos et récolte de pollen exclusivement pour l’alimentation larvaire) et leur comportement de butinage (fidélité à une espèce de plante lors d’un voyage ou fidélité stricte à une espèce pour certaines espèces = oligolectisme) en font des vecteurs de pollen particulièrement efficaces et précis.
Cette relation gagnant/gagnant qui lie les abeilles et les fleurs (coévolution) permet aujourd’hui à plus de 20 000 espèces d’abeilles dans le monde de contribuer à la survie et à l’évolution de plus de 80 % des espèces végétales, par un important brassage génétique, jusqu’à constituer un moteur majeur de l’évolution (hybridation >> nouvelles espèces).
Ainsi, très logiquement, nos productions agricoles ne sont pas indépendantes des pollinisateurs. On a longtemps considéré que l’on pouvait cultiver hors de la nature, faire “du hors sol de plein air”, il faut admettre aujourd’hui que la production de 84 % des espèces cultivées en Europe dépend directement de la pollinisation par les insectes et, plus particulièrement par les abeilles.
Plus encore, des études réalisée sur des productions d’oignon porte-graine, ont montré que, d’une part, 66% de la production est due aux abeilles, mais que, d’autre part, la qualité germinative des graines d’oignon, obtenu par une pollinisation entomophile, était bien meilleure (>de 10%) à leur homologues pollinisées artificiellement, chiffre non négligeable quand on connait les standards de calibration et de certification des semences.
La pollinisation des cultures constitue donc un service économique* bien réel, mais c’est un service fragile qui dépend pour une large part des pratiques agricoles environnantes (de l’usage du sol aux traitements sanitaires).
Les abeilles sont aussi essentielles dans le maintien de la végétation des milieux naturels et de tout le réseau trophique qui en dépend.
Si nous ne sommes pas capables d’entendre que pour des raisons philosophiques, morales, et pourquoi pas de valeurs, il est important et souhaitable de prendre garde à la vie qui nous entoure, faisons un peu d’anthropomorphisme, et transformons la biologie des pollinisateurs en euros sonnants et trébuchants. Ce n’est pas satisfaisant, mais cela a le mérite d’être très explicite, et devrait constituer un argument de poids.
Le rôle économique des insectes pollinisateurs, et notamment des abeilles, est de mieux en mieux appréhendés. Ces insectes rendent un service gratuit en contribuant à la reproduction sexuée des plantes à fleurs. La diminution du nombre d’individus, constatée un peu partout dans le monde, pourrait avoir des effets très importants sur les cultures vivrières. Car 35 % du tonnage mondial d’aliments d’origine végétale proviennent de cultures dépendant en partie des pollinisateurs.
Selon une étude franco-allemande dirigée par Jean-Michel Salles (CNRS, Montpellier) et Bernard Vaissière (Laboratoire de pollinisation et écologie des abeilles, INRA, Avignon), l’apport des insectes pollinisateurs aux principales cultures mondiales en 2005 peut être évalué à 153 milliards d’euros. Ce qui représente 9,5 % de la valeur de la production alimentaire mondiale.